Après la cour de l’école et ses quatre acacias, après la ruée des coquelicots sur une terre sauvage, au-delà du mur du jardin, il y a la zone, cet immense territoire où rouille une vieille juvaquatre près d’un arbre mort, un arbre de Judée, oublié, absent. C’est l’envers du décors. C’est comme une absence. Un bazar de l’hôtel de ville décoloré. Un cactus solitaire sous un soleil plié. Un dromadaire qui se souvient du sale chameau de Jacques Prévert ! Un enfant et son lance-pierre dans la poussière du vent. Des falbalas à des rideaux de sable. Des grains de pluie les matins de novembre. Des hirondelles parties pour l’Afrique. Jour sans rien, que la zone. Et les koras dans le soir et les chansons mandingues. Ligne qui vibre entre la frontière du ciel et du sable, la dernière dune, la zone. Marcher sur la frontières des mots. Nager dans la chaleur humide de la piste effacée. Oublier le temps. Parler aux pierres. Qu’elles soient muettes va sans dire. Rien que parler. Seul. Tenir sa lampe tempête au bout des doigts. Une fois, regarder encore le jardin derrière soi. Voir au loin la juvaquatre et son coquelicot sur son pare-brise aveugle. Et le dernier wagonnet de la vieille gare sans voyageur, qu’un oiseau, un corbeau hilare. Un grand X peint en rouge sur une porte à moitié délabrée. Y’a plus qu’à aller à cour. Fin de la zone.
