RÔDEUR DE JOUR – SCÈNE 8 – RENÉ TROIN/LIONEL SALMON

Quand elle était petite souvent, elle venait voir travailler la boule des démolisseurs. La poussière vous laisse sur la peau, un parfum épais.

Kamel le très vieux, celui qui racontait, devinait dans cette odeur qui vole, le soupir des murs qui tombent.

Une maison brisée révèle des rectangles de papier, des coulées de peintures qui dessinent une mosaïque fragile. Parfois un manteau de cheminée résiste avec, posé dessus, un objet dérisoire : une pendulette arrêtée ou un souvenir qui neige quand on le secoue. Rien, toutefois, qui permette de raconter une histoire. Ici, les gens ont provisoirement renoncé à leur histoire, rangé leurs souvenirs en attendant la suite. Ils gardent leur mémoire dans un coin de leur tête, un bagage plié.

Quand elle n’en pouvait plus d’être griffée de larmes, Djamila s’éloignait des chantiers.

J’ai vu ma maison

Tomber dans la rue

Un bout de cloison

Dans le ciel, pendue

J’ai vu le pastel

Des belles-de-nuit

Flétrir c’est cruel

Sur le mur détruit.

Ô ma maison tombée à la guerre

J’ai vu ma maison

Nue dans la poussière

Des pierres à foison

Des tombes, un cimetière

Une vieille photo

Souvenir de grand-mère

Un tout petit bateau

Et son mat de travers

Ô ma maison tombée à la guerre

J’ai vu ma maison

Perdue dans le silence

D’une chanson

Une nuit d’absence

Un p’tit souvenir

Qui neige le dimanche

Un petit soupir

Dans la nuit qui penche

Ô ma maison tombée à la guerre

Un petit soupir

Un moment de vie

Dans l’air qui chavire

Mon rêve englouti.

Des camions guerroient

Un outre voyage

Un abandon à

La dernière page.

Ô ma maison tombée à la guerre

Et moi je m’en vais

Mon bagage plié

Souvenir que j’avais

Pas envie d’oublier

Je l’ai mis dans un coin

Un coin de ma tête

Rangé avec soin

Une chanson muette.

Ô ma maison tombée à la guerre

%d blogueurs aiment cette page :