Dans la cour de l’école, poussent quatre acacias. Chacun, dans un carré de terre essaimé dans le bitume. Quatre petits poumons de verdure pour respirer dessous une goulée d’oxygène dans la fumée des matins carbonés.
Au moment de l’échappée de la salle de classe, je rejoins mon arbre totem pour aller rêver dessous à un autre monde, voler dans son feuillage des évasions furtives. Sous la pluie de neige de ses fleurs au printemps. Des taches de sang dans sa fraîcheur laiteuse.
Le soleil s’y glisse comme un joueur de harpe et c’est Debussy qui arabesque cette belle matinale fantasque. Je danse d’un pas qui est le mien, un pas improvisé, sans me soucier de l’esthétique. Mais plutôt une chorégraphie libre pour mettre de l’air, de l’espace dans ce jardin clos.
Dans ma poche, la petite boîte jaune agite ses cachous comme des graines dans une maracas. Dans le palais de ma gorge une saveur de réglisse éclabousse mes pensées d’une survivance d’éternité.
Le repli de ma casquette garde une petite branche d’acacia. Je suis sûr que le mauvais œil, s’il rôde par ici, en sera pour ses frais. Il perdra tout de sa vilenie et de sa noirceur. Il roulera sur le bitume, défait comme un rat. Et sous la semelle de ma godasse – comme un cafard – aplati. Plus rien.
Quatre acacias. Un carré. De l’un à l’autre, comme un voyage aux quatre coins de la terre. Du monde. Je navigue. Je mets les voiles. Et le vent me pousse. Je suis libre.
