Le rôdeur de jour joue avec ses dés, consulte ses cartes. Et lit, « Hôtel du port ». Il prend un dépliant, sur une table de l’Hôtel et le lit :
Pour passer de bonnes vacances, vous avez le choix entre : le Club avec vue sur les dromadaires, les Châteaux de la Loire avec vue sur l’histoire, le camping avec vue… Sur le camping… Ou alors, il y a le petit hôtel sans étoile avec vue sur la mer et surprise à la clé.

Excusez-moi si je vous dérange
Rappelez-moi à quelle heure on mange ?
D’accord vos prix sont les plus bas l’hiver
Mais si la table est mise
Je ne vois pas d’couverts !
Hôtel du port
Tais-toi et dors
Au Beau Rivage
Tais-toi et nage
Hôtel du port
T’approches pas du bord
Au Beau Rivage
Mange ta bisque et rage !
Excusez-moi si j’vous assomme
J’ai pris un’douche il m’en reste la pomme
C’est vrai qu’c’est pas rien la vue sur la mer
Mêm’ si le store n’répond qu’aux courants d’air !
Hôtel du port
Tais-toi et dors
Au Beau Rivage
Tais-toi et nage
Hôtel du port
T’approches pas du bord
Au Beau Rivage
Mange ta bisque et rage !
Excusez-moi si j’vous arrête
Où partez-vous si tard en casquette
« Cher client il faut que je vous explique
Notre formule « vacances magiques »
Avec l’ennui de morte-saison la pluie
Cet hôtel vous offre la chance unique
D’avoir quelque temps, c’est fantastique,
Votre peau sur les os d’un veilleur de nuit. »
Hôtel du port
Tais-toi et dors
Au Beau Rivage
Tais-toi et nage
Hôtel du port
T’approches pas du bord
Au Beau Rivage
Mange ta bisque et rage !
Eh bien, voilà, je vous laisse le registre, les clés,
Les instructions sont affichées
Au revoir cher Monsieur et merci
Et bonne nuit !
Hôtel du port
Tais-toi et dors
Au Beau Rivage
Tais-toi et nage
Hôtel du port
T’approches pas du bord
Au Beau Rivage
Mange ta bisque et rage !
Bonsoir Madame, bonsoir Monsieur,
Une chambre pour deux ?
Avec vue sur la mer, parfait !
N’hésitez pas à tirer sur le store
Il est un peu coincé !
Et appelez-moi quand vous voulez !
N’ayez pas peur de me déranger !
Le rôdeur de jour a poursuivi sa route. Il est passé par un bar, là-bas sur le port. Il sait. Il fait son rapport. « Les hivers ont changé. Il pleut beaucoup maintenant. L’orage, prisonnier entre mer et montagne couvre la ville basse. À cet endroit, les rues se pressent pour être la première à la mer. Je connais un bar, très gris, très vieux, comme un décor. Dedans, ça bouge et ça dort.
Accoudée au comptoir
Dans le dernier bar
Du sud du désert
Elle boit une bière
Rousse. La mousse,
Chavire douce-amère,
Épouse, éclabousse
Le zinc et la poussière.
Secousse salée
La planète a glissé
De Mars à Jupiter
Entre le feu, le fer !
L’oiseau aux ailes dures
A laissé sa fêlure
Son bazar blessant
Tomber sur les passants
Ô fou les soleils !
Ô fous les grands soleils !
Sur la mer de cailloux
Le bar est vent debout !
Dressé comme un phare
Comme un vaisseau bizarre
Sa boîte à musique
Noire à désespérer
Répète trois mesures
D’un vieux tube brisé !
Un’ dernière goutte de bière
Sur le zinc s’écroule
Il revient des hier
Il débarque des foules
Sarah presse le silence
Et sous ses yeux inquiets
Dessine un alphabet
Du bout d’un doigt d’absence
Ô fou les soleils !
Ô fous les grands soleils !
Amour, amour, amour,
Comment gagner la mer
S’il en reste encore une
Au loin de la Chimère
Comment gagner le vent
S’il en reste un qui chasse
Les oiseaux rapaces
Et leur rêve de sang.
Sous la robe rousse
De Sarah, si douce,
Un enfant se libère
De ses deux mains, pousse !
Ô ventre de velours
Ô ventre d’outre-mer
Amour, amour, amour,
Comment gagner la mer